Voici la troisième et dernière partie partie de mon conte ...
Sa troisième quête fut d’abandonner au fur et à mesure ses défenses et d’oser retrouver sa candeur, afin de redécouvrir le sens de l’Amour et de l’appartenance au Tout.
L’Amour est la source de la vie, le fleuve qui alimente les cœurs et fait pousser les plus belles fleurs sur les terres les plus arides. Il est bienveillant et inconditionnel, il nourrit celui qui l’accueille. Il n’appartient à personne et pourtant il rayonne sur tout ce qui vit.
Du plus loin qu’Edmond se rappelait il se sentait habité par l’Amour. Cela se traduisit au début par une envie de faire plaisir, de ne pas blesser, d’écouter son cœur … Il se montra insouciant et léger.
Les désordres du monde des lézards avaient cependant fini par transformer cette source de vie en une marchandise qui se négocie et qui demande contrepartie. C’est ainsi que l’amour devint conditionnel ...
Dans son éducation les adultes lui garantirent leur reconnaissance s’il se conformait à leurs demandes, il prit donc peur de la perdre et développa la culpabilité.
Il tenta bien d’ouvrir son cœur mais cela ne se faisait pas à l’époque dans la communauté des lézards, aussi il sorti bien trop vite de l’enfance et de l’innocence. Il oublia à son tour ce fleuve qui coulait dans ses veines, suffisait à le nourrir et à voir son univers avec des yeux d’enfants, plein de merveilles et de surprises.
Avec ceux qui projetaient leur affection comme les araignées lancent leur toile pour capturer leurs proies, pour le diriger et le posséder, il chercha à mettre de la distance et à fuir.
Au contraire avec ceux qui se nourrissaient de l’amour des autres comme les vampires aspirent le sang de leurs victimes, il chercha à les contenter sans jamais y parvenir.
Tantôt à fuir, tantôt à se perdre pour recevoir un peu de reconnaissance, cahin-caha il n’osa plus se montrer dans sa nudité et se conforma à l’image que l’on attendait de lui.
Il se sentit vite blessé et rejeté, il construisit couche après couche une armure pour se protéger et il désapprit …
Très mal à l’aise dans cette seconde peau hérissée de pics, secoué par les propos de la sorcière et mis en chemin dans sa dernière quête, il s’ouvrit à sa conscience. Avec de plus en plus de conscience, profitant plus avant de chaque instant, à force de tâtonnements, d’expériences, de souffrances aussi, Edmond le lézard caméléon devint Edmond le magnifique.
Magnifique car en chemin, s’offrant à la vie et prenant les rênes de sa destinée. Dans les feux alchimiques du cœur et du corps, de l’esprit et de l’âme il transmuta ses expériences passées pour libérer ses mémoires et celles de sa famille, du monde des lézards et de la Terre aussi.
Il comprit que sa droiture et son amour étaient les valeurs portées par son âme et qu’il était temps de les rayonner, tels des joyaux enfermés dans les rochers, qu’il faut extraire et polir pour qu’ils rayonnent au plus pur de leur essence.
Sur sa droiture il avait construit plein de rigidités, et il dut apprendre la souplesse.
Il persista dans une dépendance affective, une attente d’affection et de reconnaissances mais aussi dans le don à l’autre dans l’oubli de soi même. Il dut alors expérimenter la distance, l’écoute de soi, pour laisser émerger de nouveau l’Amour inconditionnel des tréfonds où il l’avait relégué.
Il comprit aussi que l’attente est fondée sur l’ego, et que les satisfactions qu’elle engendre sont éphémères et addictives ; que le lâcher prise est la plus dure des disciplines alors qu’il s’agit simplement de lâcher ; que l’Être n’est pas dans le faire.
Il intégra que la liberté est la plus grande des richesses et la plus exigeante des maîtresses, qu’Être soi est un devenir et non une fin, que tout est remis sans cesse en question.
Il pressenti que les lézards comme les caméléons et tout ce qui vit et sied sur terre fait partie d’un Tout, que chacun est singulier et différent, et que le respect de la vie c’est la considération de cette unicité et de toutes ces dissemblances.
Au début il fut émerveillé par toutes ces leçons, et il en parla avec fougue autour de lui, tentant de persuader, se désespérant qu’on ne réponde pas à ses appels. Il perdit des amis, fit des choix qui perturbèrent fortement son entourage, persévéra. Il chercha à appliquer le Faire et à forcer pour avancer dans ses quêtes, toujours sous le joug du sort imposé aux lézards, et plus il força plus il résista et plus il souffrit …
Petit à petit cependant, au fil des quêtes et des expérimentations, une certitude implacable est née chez lui. Tout est à accueillir, et tout est juste, car tous sont à suivre leur chemin. Pour lui la voie consiste à mettre en lumière le lézard qu’il est au delà des fards du caméléon, pour montrer que le sort jeté à son peuple n’est en fait qu’un voile que chacun s’applique à lui même … Il n’y a rien à démontrer, pas à convaincre, juste à Être.
Aujourd’hui nul ne sait ce qu’est devenu Edmond et où sa route l’a mené. Dans les histoires de la forêt on se plaît à l’imaginer, luciole dans la nuit virevoltant avec grâce, petite lumière vive pour montrer humblement à tous ceux croisant son chemin que rien n’est figé et surtout pas les sorts.
Quelle belle leçon de vie. Être soi c'est simple et à la fois compliqué.
Vivre tout simplement à tous les sens du terme. S'aimer pour pouvoir aimer son prochain.
Très beau conte.
Bravo